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Commentaires qui invitent à la réflexion sur l’actualité politique, en français ou en anglais / Thought-provoking comments on political developments, in English or French

2005/01/11

Pour un meilleur leadership politique

(Pour les mordues et mordus) 
Pauvreté, finances et services publics mal en point, industries non compétitives, sous-emploi, malversations, iniquités, détérioration écologique, litiges constitutionnels, conflits internationaux, voilà autant de problèmes qui durent depuis des années et même qui empirent pour la plupart.

Instinctivement, nous nous tournons vers nos leaders politiques pour résoudre ces problèmes et, lorsque ces derniers n’y prêtent pas
attention, échouent ou aggravent la situation, nous en sortons profondément frustrés ou désespérés. À tel point que nombre d’observateurs parlent aujourd’hui d’une crise de leadership, voire de notre système démocratique.


Pourtant, bien que les politiciens puissent perpétuer les problèmes, ils sont rarement la source de nos difficultés, comme le soulignent deux des chercheurs les plus influents au Center for Public Leadership de l’université Harvard, MM. Ronald Heifetz et Marty Linsky, et dont les travaux ont largement inspiré l’analyse qui suit.

Les problèmes adaptatifs

Les problèmes mentionnés au premier paragraphe sont complexes. Rares sont les situations où des solutions techniques à ceux-ci, peu dérangeantes, existent déjà et où il suffit d’inciter les autorités publiques à les adopter.

Plus souvent, le problème lui-même est mal défini (comportant des causes sous-jacentes dissimulées) où les valeurs, les perspectives et les attentes de diverses parties se confrontent et où aucune solution définitive n’existe. Ces situations fréquentes requièrent créativité, expérimentation, empathie, détermination et une période d’apprentissage et d’adaptation sur plusieurs années avant qu’elles ne soient résolues. Pensons ici au décrochage scolaire, au chômage en région, à l’itinérance, à la discrimination, aux désaccords constitutionnels, à l’édification de la mondialisation et aux conflits ethniques. Bref, aux problèmes les plus intransigeants de notre époque.

Leadership en position d’autorité

Souvent les personnes à la source de tels problèmes adaptatifs doivent elles-mêmes abandonner certaines loyautés et faire des ajustements imposants, ce qui provoque fréquemment de vives réactions envers celles et ceux qui osent proposer ces changements. La majorité des électeurs s’attendent à ce que leurs chefs politiques leur indiquent la voie à suivre, les protègent et assurent l’ordre en offrant des solutions qui occasionnent peu de travail et de perte pour eux. Et afin de se faire élire, les candidats sentent le besoin de dire à l’électorat qu’ils ont les solutions requises et que celles-ci sont relativement faciles.

Malheureusement, les réponses techniques à des problèmes de type adaptatif, tout comme l’inaction, ne règlent pas fondamentalement ces problèmes persistants. Au mieux, elles détournent l’attention des parties concernées et permettent de gagner du temps. Au pire, elles aggravent la situation et retardent sa résolution.

À l’inverse, si un chef de gouvernement propose des solutions adaptatives majeures trop brusquement, avec ou sans mandat clair, en les traitant comme s’il s’agissait de simples problèmes techniques ou en utilisant essentiellement son pouvoir décisionnel, il ou elle pourrait fort bien se faire réprouver, immobiliser, écarter ou évincer. Que l’on pense seulement à deux exemples récents de telles tentatives, sans pour autant y porter de jugement de valeur : la fusion des municipalités et la réingénierie de l’État.

D’où le risque et le défi d’assumer un leadership qui mobilise de façon productive les ressources de la société en vue de soulever des défis adaptatifs pour le bien commun. Un tel leadership demande courage, créativité, flexibilité, humilité et un profond savoir-faire que ses praticiens peuvent acquérir : identifier les parties techniques et adaptatives d’un problème, offrir une vision édifiante et réelle, créer un environnement sécuritaire pour ceux qui doivent supporter le changement, être à l’écoute de ses interlocuteurs et de ses opposants, travailler en partenariat avec des éléments de la société civile, confier le travail de recherche de solutions, d’apprentissage et d’adaptation à celles et ceux qui sont au cœur de la problématique, être ouvert aux innovations locales réalisées ici et ailleurs, permettre l’expérimentation et l’erreur, maintenir un rythme de changement raisonnable à l’intérieur d’une zone de détresse productive (ni trop brusque, ni trop lent), réviser régulièrement ses tactiques et possiblement sa stratégie, etc.

Leadership sans autorité

Les politiciens étant souvent figés par les attentes des électeurs et des milieux qu’ils et elles représentent, le rôle des citoyens et surtout de leurs organismes et associations devient prépondérant dans les tentatives pour amener la collectivité à traiter et à résoudre des problèmes récurrents.

Comment entamer un travail qui doit être accompli, sans attendre l’intervention de l’État qui ne peut ou ne veut le faire ? Comment soulever aussi des questions qu’une partie importante de la collectivité préfère ne pas aborder, les placer à l’avant-scène, les faire mûrir à un rythme productif, créer des alliances, travailler en partenariat avec certaines autorités politiques, rester à l’écoute des critiques fondées et survivre aux tentatives trop courantes de marginalisation, de séduction et d’attaques personnelles visant à réduire au silence ces leaders ? Cela prend de la détermination et des compétences que les citoyens et les groupes peuvent aussi acquérir.

En quête d’un meilleur leadership

En ce début de siècle agité, il y a donc un besoin criant pour un leadership public plus efficace à tous les niveaux – public, sans but lucratif et privé. Comme il se fait de plus en plus ailleurs, nous devons améliorer et accroître la formation en leadership public offerte dans nos universités, partis politiques, organismes et centres spécialisés. Ainsi, nous pourrons davantage résoudre, ensemble, les problèmes récurrents de notre société.