Analyse du premier débat des
chefs en 2015 (English will follow)
M. Justin Trudeau
Quiconque croyait que M.
Trudeau serait battu corps et âme lors des débats des chefs le connaissait peu
ou pas. S’il y a une chose qu’il a démontrée amplement depuis qu’il est devenu
chef des libéraux fédéraux, c’est de bien se préparer avant tout grand événement.
C’est à se demander pourquoi
certains de ses discours et entrevues, telle que sa dernière parution à TLMEP
en octobre dernier par exemple, n’étaient pas à la hauteur par le passé. Par
manque de
préparation possiblement, s’il les percevait comme de moindre
importance ou facile, mais sûrement aussi à cause d’une stratégie politique qui
ne permettait que de prononcer des généralités en attendant le déclanchement
des élections.
Nous avions remarqué son
niveau de préparation dès le lancement de sa campagne à la chefferie du Parti libéral
en 2012, dans sa circonscription de Papineau, dont le discours était livré sans
faille selon les journalistes présents (sans parler du contenu comme tel). Il
l’a démontré de nouveau lors de son combat de box contre le sénateur déchu Patrick
Brazeau que tous croyaient perdu d’avance. Il l’a répété récemment lors de la
présentation d’éléments majeurs de sa plateforme électorale.
Et voilà qu’il a surpris tout
un chacun en livrant bataille plus qu’honorablement hier soir, particulièrement
en première moitié du premier débat des chefs, voire au delà de toute attente. Cette
performance devrait lui valoir une légère amélioration dans les sondages,
particulièrement du côté anglophone, et un retour dans une course serrée au
pouvoir.
Est-ce trop peu, trop tard, par
contre comme plusieurs le craignent, compte tenu que les cinq débats prévus (et
à confirmer) n’auront qu’une fraction de l’auditoire des débats télévisés par
nos grands télédiffuseurs durant les campagnes précédentes? La joute oratoire animée
par Maclean’s n’a retenu l’attention que de 1,5 million de téléspectateurs en
moyenne (3,8 M en ont écouté pour une minute ou plus), à cause de sa transmission
restreinte par une poigné de diffuseurs de moyenne taille (City TV, OMNI, CPAC),
et de quelque 0,5 M visionnements partiels ou entiers en ligne, tandis que
celles pour l’élection de mai 2011 avait réussi à attirer 14 million de
téléspectateurs francophones et anglophones (plus de 5 M en moyenne) d’après le
Globe
& Mail.
M.
Thomas (Tom) Mulcair
Comme plusieurs l’ont suggéré,
M. Mulcair doit revenir à son style naturel et authentique autant que possible,
ce qui n’est pas équivalent à son interrogatoire louangé durant la période de
questions à la Chambre des communes. Il semblait passablement nerveux autant au
début de son discours inaugural de campagne, sur l’esplanade du Musée canadien
de l’histoire à Gatineau, que la première moitié du débat.
Ce qui a attiré mon attention
davantage était de voir le leader des néodémocrates tenter de se positionner au
centre de l’échiquier politique, entre Mme May à gauche et M. Harper à droite,
et par le fait même de remplacer les libéraux qui, traditionnellement, occupe
ce terrain. Non seulement son emplacement sur scène entre ces deux rivaux
l’avantageait dans cette tentative, mais il l’a renforcé à au moins deux occasions
sur des sujets d’envergure.
En évoquant que M. Harper ne
refusait aucun pipeline et aucune guerre et, à l’opposé, que Mme May refusait
tout pipeline et toute guerre, il essayait de projeter une image de leader
modéré et pragmatique afin, sans doute, d’attirer des électeurs de tous les
camps adverses et non seulement des rouges et verts. Terrain qui peut paraître surprenant
pour ce parti que d’aucuns croient pacifiste et écologiste, mais en ligne
droite avec sa tradition plus nuancée dans ces deux domaines. Qui plus est, il
est bien de le rappeler, le tout en accord avec le choix de ses membres lors du
congrès d’investiture que M. Mulcair à gagner face à ses nombreux rivaux plus à
gauche en 2012.
Risque-t-il d’aller jusqu’à
répéter l’erreur de la tête du NPD en Ontario lors des dernières élections
provinciales, lorsque Mme Andrea Horwath et son parti se sont retrouvés à
droite des libéraux de Mme Kathleen Wynne, menant à leur défaite électorale? Peu
probable justement à cause de cette expérience. Il reste également assez de
différence entre les positions et les plateformes des libéraux et néodémocrates
à l’heure actuelle pour offrir aux électeurs et électrices deux choix assez
distincts, même si de plus en plus près l’un de l’autre sur le segment hautement
convoité du centre-centre gauche sur l’échiquier politique.
Mme
Elizabeth May
Passant pour la plus intello et
ferrée en politique publique du groupe hier soir, Mme May a contribué à exposer
plusieurs inexactitudes et tromperies dans les réponses du premier ministre, en
particulier sur son bilan en émissions de GES, et réussi à faire ressortir des
contradictions chez ses principaux rivaux, tout en exposant certaines des
siennes.
Ce que je questionne toujours
par contre, c’est la stratégie globale qu’elle et ses partisans ont adopté pour
faire avancer leur cause à l’intérieur d’un système politique dépourvu de toute
représentation proportionnelle. La place des verts a du sens en Allemagne, par
exemple, où il ne suffit que de décrocher 5% des voix pour obtenir une
proportion des sièges au parlement et, ainsi, espéré se négocier une place de
choix au sein d’une coalition gouvernementale.
Mais au Canada, avec notre système
électoral uninominal à un tour, les verts doivent gagner au moins 15% des voix,
voire bien davantage si leur vote demeure peu concentré dans une région donnée,
avant d’espérer détenir la balance du pouvoir, ce qui semble peut probable.
Leur présence oblige cependant les autres partis à aborder le sujet de
l’environnement et de l’écologie avec d’autant plus de précision et
d’engagement, ce qui est souhaitable, mais risque bien plus d’aider M. Harper à
se maintenir au pouvoir. J’y reviendrai peut-être
plus tard dans la campagne.
M.
Stephen Harper
Pareille à lui-même dans ses
réponses incomplètes et trompeuses sur l’économie, l’environnement, les
scandales au sein de son propre gouvernement, caucus et parti, il tente tout de
même de projeter l’apparence non pas d’un bon gestionnaire de l’économie, des
finances publiques et de la sécurité des gens, stable et rassurant, mais du
meilleur gestionnaire parmi ses principaux rivaux dans cette campagne
électorale.
Cela dit, je n’irai pas plus
loin. Pour reprendre un vieux maxime commun du côté anglophone, « Si vous n’avez
rien de gentil à dire, il est préférable de ne rien dire du tout ».
« Belle chevelure, par
contre ».*
*« Nice hair, though », pour reprendre la fin de la publicités conservatrices
la plus utilisée récemment contre M. Trudeau, ou à tout le moins, « belle
cravate… »
Robert M. David enseigne aux université d'Ottawa et Concordia et fut candidat libéral en 2009 et 2011
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Analysis of the first leaders debate in 2015 (en français ci-dessus)
Mr. Justin Trudeau
Anyone who
believed that Mr. Trudeau would flounder big time during the leaders debates
knew him very little or not at all. If there is one thing he has amply
demonstrated since he became leader of the federal Liberals is that he prepares
very well before any big event.
It makes you
wonder why some of his speeches and interviews were not up to par in the past.
For lack of preparation possibly, if he viewed them as less important or easy,
but surely also because of an electoral strategy that only allowed him to utter
generalities until the launch of the election campaign.
We witnessed how
prepared and rehearsed he was at the launch of his campaign for the leadership
of the Liberal Party in 2012, in his riding of Papineau, when he delivered a
flawless speech according to the journalists present (but not on the content as
such). He demonstrated it again when he took on now discredited Senator Patrick
Brazeau in a boxing match that all believed was lost. And he recently showed
his seriousness at the presentation of major elements of his electoral platform.
Now he has
surprised everyone by waging more than a honourable fight last night, especially
in the first half of the English-language leaders' debate, that was beyond all
expectations. This performance should earn him at least a slight improvement in
the polls, and put him back in the tight race for power.
Is it too little,
too late, as many fear, given that the five planned debates (yet to be confirmed)
will likely attract only a fraction of the audience in the 2011 televised
debates put on by a consortium of our major broadcasters? The verbal joust
hosted by Maclean's captured the attention of only 1.5 million viewers on
average (3.8 M listened in for a minute or more), because of its transmission
by only a handful of smaller broadcasters (City TV, OMNI, CPAC), in addition to
a half million partial or whole viewings online. In contrast, the two televised
English and French debates held during the 2011 general election attracted 14
million viewers in all (more than 5 M on average) according to the Globe
& Mail.
Mr. Thomas (Tom) Mulcair
As many have
suggested, M. Mulcair must return to his natural and authentic style as much as
possible, which is not equivalent to its lauded inquisition during Question Period
in the House of Commons. He seemed quite nervous both at the beginning of his
inaugural campaign speech on the esplanade of the Canadian Museum of history in
Gatineau, and in the first half of the debate last night.
What caught my
attention more was to see the leader of the NDP trying to position himself at
the center of the political spectrum, between Ms. May on the left and Mr.
Harper on the right, and thereby try to replace the Liberals who traditionally
occupy that terrain. Not only was his physical position on the stage between
these two rivals conducive to this perception, but he strengthened it on at
least two occasions on major topics of debate.
Evoking that Mr.
Harper never refused a pipeline or to join in a war and, by contrast, that Ms.
May refuses all pipelines and all wars, he was trying to project himself as a
moderate and pragmatic leader in undoubtedly to attract voters from all
opposing camps, and not only from the Greens and Grits. That may seem
surprising for a party that some believed pacifist and environmentalist, but in
accordance with the more nuanced tradition of the party in both areas. Moreover,
it is well to recall, a position that is in agreement with the choice of the
party’s members during the NDP leadership convention that Mr. Mulcair won over
his many rivals to the left in 2012.
Does he risk
repeating the mistake made by the Ontario NDP leader in the last provincial
election, when Ms. Andrea Horwath and her party found themselves to the right of
Kathleen Wynne’s Liberals, leading to their electoral defeat? Probably not
precisely, because of this experience. There is also enough difference between
the Liberal and NDP platforms to offer two distinct choices to voters in this
election, although the parties are increasingly close to each other on the highly
coveted, center-center left segment of the political spectrum.
Ms. Elizabeth May
Looking the more intellectual
and policy wonk among the group in last night's debate, Ms. May helped to
expose several inaccuracies and deceptions in the answers given by the Prime
Minister, especially regarding Canada’s total GHG emissions since Mr. Harper
came to power in 2006, and managed to bring out contradictions in her main rivals
positions, while exposing some of her own.
What I always
questioned however, is the overall strategy adopted by her and her supporters
to advance their cause within a political system devoid of proportional
representation. It makes sense for Greens in Germany, for example, where they
only have to pick up 5% of the vote to get a share of seats in parliament and
thus hope to negotiate their way into a governing coalition.
But in Canada,
with our first past the post electoral system, the Green Party must earn at
least 15% of the vote nationwide, or even much more if their vote is not
concentrated in a particular region as is much the case today, before hoping to
hold the balance of power, which seems unlikely. Their presence, however,
forces the other parties to address the environment and ecology issues more
precisely and with greater commitment, which is desirable, but risk to a
greater extend helping Mr. Harper stay in power. I may return to this topic
later in the campaign.
Mr. Stephen Harper
Such to itself in
its incomplete and misleading answers on the economy, environment, and scandals
within his own government, caucus and party, he tried to project the appearance
not so much as a good manager the economy, public finances and people’
security, stable and reassuring, but as the best manager among his main rivals
in this election campaign.
That said, I will
not go any further. To borrow an old, common English maxim, "If you have
nothing nice to say, it is better to say nothing at all."
"Nice hair,
though."*
*To use the last
words of a CPC attack ad broadcasted at nausea against Mr. Trudeau recently, or
at least, "Nice tie..."
Robert M. David teaches at the University of Ottawa and Concordia University. He was a Liberal candidate in 2009 and 2011.
Robert M. David teaches at the University of Ottawa and Concordia University. He was a Liberal candidate in 2009 and 2011.