Pourquoi le père, le mari, le frère, le fils ou l’autorité
religieuse qui soutiendrait ou imposerait le port du voile intégral lors de la cérémonie
d’assermentation pourrait obtenir sa citoyenneté canadienne, tandis que la
mère, l’épouse, la fille ou la sœur qui le porte volontiers ou obligatoirement
n’y aurait pas droit?
Deux poids, deux mesures qui devraient nous inciter à ne pas exclure tous ceux et celles que nous jugeons mal-pensants, mais plutôt à voir comment les encourager à changer d'idées et de pratiques. Lire la suite...
Deux poids, deux mesures qui devraient nous inciter à ne pas exclure tous ceux et celles que nous jugeons mal-pensants, mais plutôt à voir comment les encourager à changer d'idées et de pratiques. Lire la suite...
Selon les conservateurs toute personne prononçant le serment de
citoyenneté «devrait le faire ouvertement, en
termes égaux, et sans se couvrir le visage». Ils soutiennent que faire le
contraire va à l’encontre des valeurs canadiennes «de transparence et d’égalité entre les femmes et les hommes».
Pourquoi alors ne pas vérifier si ces hommes ne vont pas eux aussi à
l’encontre de ces valeurs égalitaires avant d’obtenir leur citoyenneté?
N’est-ce pas qu’une simple question d’équité et… d’égalité? Les conservateurs
seraient à tout le moins logiques avec eux-mêmes, plus équitables et de bien
meilleurs défenseurs de nos valeurs fondamentales en poursuivant sur une telle
voie.
Sauf que…
Vous aurez sans doute déjà repéré la
problématique. Car les hommes et les femmes qui soutiennent de telles valeurs
soi-disant «non canadiennes» ne sont pas uniquement des intégristes musulmans. Bien
d’autres sectes et dénominations religieuses, ainsi que des agnostiques et des
athées en passant, tiennent également de telles opinions. Les conservateurs
voudront-ils poursuivre sur ce terrain?
Autant plus qu’une fois partie, pourquoi se limiter à ces quelques
valeurs canadiennes, aussi importantes soient-elles. Que dire des valeurs
démocratiques et d’égalité entre les races, les langues, les origines et les
préférences sexuelles, entre autres?
En fait, pourquoi se borner à ceux et celles qui demandent la
citoyenneté canadienne et ne pas révoquer la citoyenneté de toute personne qui
porte, soutient ou impose le voile intégral actuellement ainsi que quelconques
autres valeurs canadiennes que le premier ministre, sondages à l’appui, prioriserait
par conviction ou électoralisme?
Trop difficile à vérifier ou onéreux diront certains. Certes, mais
la raison principale qu’on finira sans doute par évoquer contre une telle
chasse aux mal-pensants, selon la majorité, sera sûrement le respect des
libertés fondamentales d’opinion, de religion et d’assemblée, soit d’autres
valeurs éminemment canadiennes. Du moins je l’espère, autant que leurs points
de vue peuvent me déplaire personnellement..
Ce qui nous ramène à cette femme voilée. Pourquoi elle et elle seule
écoperait quand tout ce beau monde obtiendraient des passe-droits quant à leur
respect ou non des valeurs canadiennes, dont en premier lieu ses proches masculins?
Voilà au grand jour toute la discrimination à son égard en tant que femme,
musulmane, fondamentaliste.
Il serait très facile de l’accommoder en lui permettant de prononcer
le serment à visage découvert en privé ou simplement d’écouter si elle le
prononce à travers son voile en public. Si les Américains permettent
l’accommodement de néocitoyens qui professent des valeurs que la majorité
décrirait probablement comme « non-américaines » lors de leur cérémonie d’assermentation, pour
les non-croyants et les pacifistes par exemple, pourquoi ne pouvons-nous pas en
faire autant? Parce qu’on veut s’en prendre à cette seule femme afin de
s’attaquer indirectement aux croyances tenues par l’ensemble des gens qui
pensent comme elle?
En guise de rappel, nous nous accommodions fort bien de tous nos
religieux et religieuses habillés en noir de la tête aux pieds. Pourquoi
portaient-ils et elles de tels vêtements? Par pudeur, continence, modestie ou
chasteté? Pouvons-nous concevoir qu’une pratiquante musulmane possède dans
certains cas une motivation semblable sans y être forcée, surtout si elle vient
d’une société où toutes les femmes portent un voile?
Dans tout le travail d’éducation au développement que j’ai entrepris
par le passé, un point essentiel est l’empathie et de partir là où se situe les
gens et non pas là où nous nous trouvons dans notre évolution des valeurs
collectives qui, heureusement, évolues. Ensuite, d’y aller par étapes,
compréhension et respect.
Un point de départ serait d’admette que notre société a aussi son
propre code vestimentaire. Un homme ne peut travailler à une banque en camisole
et une femme en hot pants. Les
parents d’une adolescente l’obligent souvent à se vêtir de façon plus
conservatrice avant de sortir. Et combien d’entre nous trouvons parfois exagéré
du point de vue sexuel des spectacles et vidéos de chanteurs et chanteuses
populaires?
Là où nous pourrions travailler de manière plus constructive, il me
semble, serait de sensibiliser civilement les récents arrivants à celui-ci, au
besoin, tout en respectant le droit de tous et toutes de se vêtir selon ses
goûts en privé et en public, à l’intérieur des règles et des lois en vigueur.
Selon notre code et ceux de bien d’autres sociétés et
interprétations de textes religieux, une femme qui porte la burqa n’est pas
plus décente que celle qui montre ses yeux publiquement en portant le niqab.
Cette dernière ne l’est pas plus qu’une femme couverte d’un tchador ou d’un
hijab et, enfin, celles-ci pas davantage que toutes les femmes occidentales qui
n’en portent pas. Cela s’explique et se
partage.
Historiquement, bien plus de nouveaux arrivants adoptent les façons
de faire de la société d’accueil beaucoup plus que l’inverse, et c’est le cas
de nos concitoyens et concitoyennes pratiquant diverses religions, hier comme
aujourd’hui dans la grande majorité des cas. Ce n’est pas une question de nier
la montée des mouvements intégristes et fondamentalistes dans le monde, mais de
réaliser que ces mouvements sont en croissance aux seins de toutes les grandes
religions de ce monde : chrétienne, juive, hindou, bouddhiste et
musulmane. Les raisons de ce phénomène sont multiples et il faut s’y attarder
stratégiquement et intelligemment, sans démesures.
Mais nous en prenons pas à une seule femme, au niqab exotique et le
cœur canadien.
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Robert
M. David enseigne le développement international et la mondialisation aux
universités Concordia et d’Ottawa
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