Blogue/Blog:

Commentaires qui invitent à la réflexion sur l’actualité politique, en français ou en anglais / Thought-provoking comments on political developments, in English or French

2009/01/29

Plan de relance malheureusement insuffisant

Pourquoi croire que la récession au Canada sera moindre que celle aux États-Unis? À cause de la meilleure performance de notre système bancaire, de notre marché immobilier, de nos finances publiques et de nos échanges commerciaux avec le reste du monde?

Vrai que tout cela, mais n’empêche que nous sommes très vulnérables car notre économie dépend des secteurs les plus touchés par le ralentissement économique mondial, soit les secteurs financier, pétrolier, minier, forestier et manufacturier, dont celui de l’automobile. Ainsi, cela n’a pris que quelques mois avant que le Canada rattrape et commence à dépasser les mauvais résultats que nous voyons chez notre voisin du sud.

Il est prévu que la décroissance économique atteindra plus de 3% au Canada lors du dernier trimestre de 2008, comparativement aux É.-U. qui ont vu leur PIB reculé de 3,4% sur une base annuelle du 1ier octobre à 31 décembre. Et en janvier de cette année, notre taux de chômage est passé de 6,6% à 7,2% en un mois, se rapprochant ainsi du taux américain de 7,6%. Nous avons perdu proportionnellement deux fois plus d’emploi que les Américains ce même mois, soit 129 000 emplois pour leur 598 000 emplois perdus. Et voilà que nous dégageons le premier déficit commercial depuis 30 ans.

Que faire?

Selon M. Larry Summers, le nouveau chef du Conseil économique national du président Barack Obama, il est beaucoup mieux d’errer du côté d’en faire trop que de ne pas en faire assez lorsqu’il s’agit du plan de sauf garde du système financier et des mesures de stimulation. Il a même cité dans le Financial Times l’ancien président mexicain, Ernesto Zidello, qui était en poste lors de la crise du péso en 1994, « Lorsque les marchés réagissent de façon excessive, les politiques gouvernementales doivent réagir aussi de façon excessive ». D’ajouter Summers, « Il est beaucoup plus facile de corriger une réaction excessive qu’une réaction insuffisante ».

Ainsi, le plan de relance approuvé cette semaine par le Congrès américain se chiffre à 980 milliards de dollars canadiens (787 milliards U.S.) sur deux ans, tandis que sa contrepartie canadienne se chiffre à seulement 40 milliards, aussi sur deux ans. Puisque la population canadienne atteint presque 11% de celle américaine, l’équivalent canadien des mesures de stimulation économique, toute proportion gardée, serait de 108 milliards, soit 68 milliards de plus que ce que notre ministre des finances, Jim Flaherty, propose pour deux ans.

Le prix Nobel de 2008 en sciences économiques, Paul Krugman, croit même que le plan de relance américain n’est que la moitié de ce qu’il devrait être, soit 800 milliards annuellement, afin de sortir les É.-U. de sa morasse économique et éviter de tomber dans une période de déflation et de dépression. À noter que même avec les prêts, garanties et nationalisations d’institutions financières américaines d’une valeur pouvant atteindre 1,2 billion, les É.-U. sont encore loin des taux d’endettement (120% du PIB comparativement à 76% aujourd’hui) et de déficit annuel (30% du PIB vs. 10% maintenant) qu’ils ont atteint durant la Seconde Guerre mondiale et qui ont finalement sorti véritablement le pays de la Grande Dépression des années 30.

Et dans une galaxie près de chez vous...
Malheureusement, le gouvernement du premier ministre Stephen Harper a déjà perdu un temps fou parce qu’il n’a pas vu venir les coups dans la première moitié de 2008 quand les É.-U. étaient déjà en récession, parce qu’il a décidé d’imposer une élection inutile en octobre dernier et parce qu’il a demandé à la gouverneure-générale de proroger le parlement. Ce n’est donc pas surprenant que M. Flaherty parle déjà, une semaine après l’adoption de son budget, d’ajouter des milliards de plus à son plan de stimulation économique. Puisque toutes ces mesures prennent des mois avant d’avoir l’effet voulu, il est plus que tant.

Et, ce n’est pas peu dire, aussi tardif soit-il, le gouvernement fédéral est en avance sur le gouvernement du Québec qui vient tout juste de se rendre compte que l’économie et les finances publiques vont mal et qui ne déposera son budget que d’en plusieurs semaines!

Robert M. David est économiste et enseigne aux universités d'Ottawa et Concordia